Murmures de ma mémoire
Un temps où je jouais enfant
Dans les rues de la ville
Enfant sage et tranquille disait les passants
Mais j’en pleurais de rage
Je me sentais tant rien bien plus que rien encore
L’enfant d’une couturière mourut de méningite
Elle habitait ailleurs et son mari plus ailleurs
Que l’ailleurs
Ma mémoire se souvient qu’elle me faisait les yeux doux
J’avais quinze ans
Elle m’a déshabillé
Pour me donner un bain
Puis elle s’est donnée
Elle avait été la gardienne SS d’un camps de déportées
Je ne le savais pas
Murmures de ma mémoire
Sont folies de vieillard
Je cherche quand elle retira sa main
De la mienne
Pourquoi me suis-je suicidé sauvé par une femme
Qui m’invita chez elle pour me consoler
Elle m’a déshabillé
Pour me couvrir d’amour
Puis elle s’est donnée
Elle avait été déportée revenue par hasard
Et je ne l’ai pas su
Moi et toi, elle et moi
Nous avons assisté à la cérémonie funèbre
Je me suis habillé pour tricher des habits du curé
J’évitais de pleurer
La mer m’a rattrapé
Elle m’a porté si loin
La femme était ailleurs et moi encore plus loin
Je n’ai jamais revu
Celles qui m’avaient dévêtu
Mais ma vie fut ratée
Les murmures de ma mémoire
Sont ceux de Clara de Sara de Mary Street
Elles deviennent mes muses
Me parlant des rêves avortés de l’enfance*
*Film de Stephen DALRY Allemagne d’après le Liseur de Bernard SCHINK