Nana la Sonneuse
Je me souviens encore enfant
D’une vieille avec un foulard
Cloche à la main, le sourire franc
Ou bien le regard en pétard
Rien qu’en entendant ses Oyez !
Qu’elle lançait d’une voix éraillée
On pouvait se faire une idée
Sur les nouvelles de la journée
Tantôt tristes ou bien rigolotes
Qu’elle annonçait sans se lasser
Quitte à s’en arracher la glotte
Les jours de pluie ou verglacés
Nous, les sales mômes, on la suivait
Pour le plaisir de bousculer
La cloche pendue à son poignet
Que pour rien, elle n’aurait lâché
Disparaissez, fichez-moi l’camp
Bande de morveux, petits voyous !
Oyez ! Oyez ! Mes braves gens
Le vieux Joseph est encore saoul !
La Josette est dans les douleurs
Elle hurle à percer les tympans
J’en ai une autre, quel déshonneur !
La Marie a pris un amant.
Maintenant, je vous ai tout dit
J’ai bien mérité du repos
Pour réchauffer mes doigts raidis
J’avalerais bien un brûlot.
C’était tout ça notre sonneuse
Elle cancanait les faits divers
D’une façon très malicieuse
Surtout après trois petits verres
La ville lui a fait une statue
Elle fait partie du patrimoine
Mais nous les anciens de la rue
On sait qu’elle n’avait rien d’un moine
On t’aimait bien, toi, la sonneuse
Malgré tes cris et tes coups bas
Avec ta verve audacieuse
T’étais une sacrée Nana !
Nadette