Hel, pleures-tu, parfois,
de ce que l’homme et son dieu
furent si alertes pour te défigurer ?
Toi, orbe parmi tant de Freyja,
la Grande Mère,
toi, douce déesse de la mort,
à mi-visage dans les ténèbres,
l’autre versé en pleine lumière,
qui conduit le mort de paille,
conduit le mort de guerre,
vers son vaisseau
par l’onde des Élivágar,
toi, et ni bonne, ni mauvaise,
simple beauté jamais contée,
pleures-tu, parfois,
du coutelas de la croix ?
Ainsi te voilà, jetée au gouffre,
avec pour seuil, la perfidie,
pour lit, la maladie,
pour écuelle, la disette,
et pour couteau la faim,
affligée de laideurs,
encore de plaies rongées,
et paraît-il que ton œuvre
est de construire navire
avec l’ongle du défunt.
Pleurera-t-il aussi, ce dieu,
quand un autre,
et d’autres hommes,
s’empresseront de le chasser ?
Hel, Freyja, bien souvent,
je te songe, et pense à toi,
me baignant au prime esprit,
en la sagesse première,
je te médite, la blessée et bannie,
toi qui sais pourquoi j’ai plus d’amitié,
d’affection pour Fenrir
que jamais je n’en aurais
pour les Ases, les Vanes,
les hommes ou pour Odin.
Élivágar : mythologie nordique, nom donné à l’ensemble des rivières, au nombre de douze, présentes à l’origine du monde.