1
Tigre, doucet feulant,
d’entre les herbes hautes
par le socle du flamboyant,
je t’admire, nue sirène à ta syrinx
œuvrée dans la lumineuse topaze,
dompter l’ocre galop du fleuve,
son ventre de petits soleils,
ses lignes de tendresses brutes,
et le faire, le parfaire huilé yacumama,
barde crémeux, tonnerres d’amandes.
Lui, assagi en ta mélodie d’amétrines,
t’ouvre ses pages, où lors tu plonges,
et cueilles le sortilège de l’anguille,
la soyeuse inventivité des lianes,
le chant des flores et des fruits mûrissant
pour les reverser, messagère ambrée,
au chuchotis de la brise, le satin terrestre,
et tes dons parent ma table amie et aimante.
Ô fille de la mer, autant bruisse ton haleine
de houles en écumes ; et tu polis l’écaille.
Je te vois, te loue, toi, l’alezan par mes veines,
et félin, je bondis pour te dévorer de baisers,
rugir en la moiteur tes multitudes céréalières,
et loup mauve, épuré au froment de tes lisières,
chanter à l’astre, aux frimousses des brunantes,
à la pluie fillette de tes sabbats, l’enchantement,
ta maraîchère toute-puissance et ta gloire saline.
Opalescences et la prière du feu, aurore de Cana,
sucrées pertinences aux ailes de cumin, praires,
ma huche, ma bolée, toi, Belle, mon fol oranger.
2
Puce de lèvres,
je gambade,
ô vœux, ô miels,
le long de ta cuisse nue,
et luciole affolée,
incandescent lampion,
bouche tout en élytres
au dessin de ton ventre rosée,
et le criquet gourmand
tout autant que l’orvet qui se love
au pic de ton sein,
le papillon rougissant
au feu de tes baisers,
sous tes doigts,
crèmes et génoises,
pour dans la nuit de passiflores,
toi et moi, ma lune, mon pain chaud,
l’un l’autre anneau carmin,
aller voler ramée de l’oranger en fleurs,
et lors te célébrer,
haute, reine,
flamber au réjouir de toi,
femme-fleuve,
chanteuse aux amarantes,
mon âme de coprahs,
ma joie d’amandes,
byzantine allégresse de blés mûrs,
et fruits juteux,
te fêter à ton souffle de corail,
ton étoffe de peau brasillant.
3
Le bois, la volonté du bois,
l’âtre, l’âme, le cœur du bois,
vertigineux, multiple, libre le bois ;
lors qu’il façonne, polit son œuvre,
cueille son verbe aux sucs de ta voix.
Seigneurial, le bois, le noble planétaire,
ainsi que ta chevelure, ô ma corsaire,
est la nuitée des étincelles stellaires
quand sur le lin, elle dort tel genévrier,
fil à fil, monarque des brunantes, le vair.
Point de sang par tes veines, mi selva,
de la sève en laquelle s’abreuve le bois
et renouvelée ainsi que migre la mangrove
en chaque aurore qui te nomme, et le bois
tisse et trame, murmure le fleuve : « Eres la reina ! »
Ô fanal, toi, végétale patrie d’ocres et d’ivoires
où le bois apprend sa force et son art.
En ses nœuds, de ta pensée, les nénuphars,
sa créativité infuse au foyer de ton samovar.
Ô du bois, belle, par toi, mon chant des sitars.
4
Ma providence est l’épi,
grains d’ombrelles
mouillées au jus du cèdre,
du févier,
qui soupire grenadines
et noisettes
au flux de ton poignet,
au reflux de ton cil ensilant l’air
dans une carafe de turquoises.
Ma providence chante à l’amont
de l’oued baptisé toi,
et à l’aval des éphémérides qui,
de joliesses,
s’attablent aux agapes,
festins,
quand ta lèvre s’envole,
quand tu libères les astres
de ta paume sacrant le jade,
l’opale.
Entre,
il n’est que toi,
ma tisserande,
de ton affinée vannerie
composée des brins de l’oseraie fine
aux bleues brillances, et coquille d’œuf,
et ma providence est un panier,
à l’anse de toi,
au fond de toi,
au rond de toi,
et d’où jaillissent les mets rares,
uniques,
la plume du cygne,
l’âme du feu,
le chant de paix de la rainette.