Te quiero, Poesía,
quand tu es fille d’usine,
de bistrot,
de cour d’école,
de potagers et de boulangeries,
de dispensaires,
de marchés et d’échoppes,
de Trou Poisson à Maracaibo
en passant par Otchakiv
et l’île de Sakhaline, le sable de l’Azawad,
vers les brumes d’Avalon,
la terre de l’atlante,
vers le bambou de Róngchéng,
vers la lande d’Éire,
quand tu es ventres et cœurs de femmes,
d’hommes,
de récoltes et de troupeaux,
de pêches,
quand tu nais d’un rire,
espoir d’enfant,
d’un cri de rage honnête,
d’un soupir d’amour,
d’un pleur vrai,
quand, Poesía, nomade et vagabonde,
tu montes pareil au cordier de l’infusion,
au fumet du plat chaud,
car tu es populaire, Poesía,
comme le baiser,
la poignée de main,
comme l’étreinte aimante,
la tablée familiale ;
te quiero, Poesía,
quand tu montes des bouillons,
de la soupe du plus grand nombre,
des herbes pures et nombreuses,
quand tu es de bois, de feuilles et d’épis,
de pierres, de craies, de coquillages,
quand tu es de pluies, de tempêtes, d’orages,
quand tu es d’yeux, de mains, d’âmes,
de pieds,
de poitrines nues.
O Poesía,
qu’il m’est triste de te voir descendre,
enchaînée à la langue du bel esprit arrogant
qui toise la foule,
fat comme un bœuf ayant renié la terre,
un voleur d’étoiles,
et pour autant, Poesía,
il m’est agréable que tu lui prêtes ton cor,
ton piano
ton arc musical,
bien que je ne sois qu’à tes notes,
non aux tiroirs de sa pensée.
Va ! Je t’aime, Poesía,
tant qu’au bal du village,
celui de la neige et celui du soleil
trinqueront,
partageront le même vin,
tant que l’il chantera l’elle
de par son cœur en brasiers,
qu’elle, l’aile, chantera l’île, lui,
tant que tu seras l’air fragile de la fillette
et du petit garçon
vers la mère en sourires,
tant que la mère sera diadème sans confins,
et les bras de glèbes infinies,
pour la branche et le fruit,
tant qu’il y aura une femme,
un homme,
de Cayenne à Chisinau,
simplement,
pour entonner ses simples vagues
en son simple univers.
Te quiero, Poesía ;
heureux mange ton pain,
voyage ta robe,
m’éteindrais en tes draps.