Le vin du diable

Lucifer est poète, il puise à l'ambroisie
Pour encenser la fange et la noirceur de l'âme
Il mythifie l'horreur, ennoblit les sévices
Il s'abreuve au nectar doux de la poésie
Pour enrober la haine et magnifier le drame
Il détruit la vertu et glorifie le vice

Il va tremper sa plume à l'encre d'une aurore
Pour habiller d'un pur velours les fleurs du mal
Il arrose de miel des rivières de sang
Et la voix de sa Muse aux chants de Maldoror
Répercute un écho d'une ampleur optimale
Qui chamboule les sens du lecteur innocent

Avec lui, les gravats sont des lingots dorés
Il cache d'un gazon les ornières, les gouffres
Rend belle la laideur, son style démoniaque
Nous prend, nous accapare et nous fait adhérer
A travers des courants d'âpreté et de soufre
Aux troublantes langueurs des esprits insomniaques

Le Prince des enfers cueille à de belles grappes
Donnant une liqueur divine, ensorcelante
D'une sapidité, d'un fumet qui enivre
Il promet des banquets, il promet des agapes
Sa phrase musicale est si affriolante
Que, dans son univers, on est prêt à le suivre

Belzébuth est un ange à la robe noircie
Aux effluves fruités des vignes des ténèbres
Servis dans les tavernes de la magie noire
Je voudrais, pourquoi pas ? y faire un tour aussi
Dussé-je y encourir quelques charmes funèbres
En ces lieux fascinants, j'aimerais aller boire