J'ai vu dans mille gares
descendre à l'arrivée des trains
sur les quais
des femmes et des hommes, des enfants, des vieillards
tous habillés de noir
sans couleurs fades et se pressant
peureux dans le regard, fatigués le matin
anéantis le soir.
Il fait nuit mon hasard
la vie se cauchemarde.
J'ai entendu parler
dans la nuit d'une chambre
à voix basse soupirée
une femme me dire
je suis comme une pierre solide et froide
je n'ai plus le sentiment d'aimer
je me cogne et je roule
aux limites du temps.
Tu peux me ramasser me lancer contre un char
je pourrais résister.
Il fait nuit mon histoire
la vie se met en foire.
J'ai vu passer là-bas à l'arrivée d'un train
un peuple vêtu de noir.
On me parle des amours, des bras et des serments
des ruptures, aussi des retrouvailles
et de pleurnichements.
Mais la femme répète, je ne suis qu'une pierre
j'ai perdu mes amours
tu peux me ramasser
me jeter contre un char.
Ailleurs un fusil claque entre son corps et moi
un char grince et me suit
un peuple descend du train la mode est au noir
le ciel est encombré
la pluie sort des regards coule en rides
arrache les maquillages
la gare est sans couleurs
ailleurs se lève sous les ruines et les morts
un chant bleuté d'espoirs.
Il fait nuit mon chagrin
la vie roule demain.