grand devant, petit derrière

Nombre de messages : 198 Age : 56 Date d'inscription : 04/04/2009

Assis sur le porte-bagages, les pieds au chaud dans les sacoches.
Les phares traversaient les nuages et ma vie me rappelait parfois celle de Gavroche.
Peu d’argent, peu de meuble, peu de vaisselle
Mais beaucoup d’amour, beaucoup d’espoir et une vie belle.
Pas de richesses ancestrales,
Pas le plus infime lopin de terre,
On ne possédait que le principal :
Un avenir grand devant, petit derrière.

Nous repartions vers l’avenue Paul Marchandeau,
Quelques voitures passaient paisiblement.
Le froid nous glaçait par-dessous nos manteaux
Et la Peugeot s’envolait au firmament.
Nous revenions souvent de chez Grand-mère, rue Brûlée.
A 10 heures du soir, il nous fallait encore
Passer le canal, sa brume épaisse et son pont à grimper.
Papa était devant, Maman était derrière et tous deux pédalaient dans un parfait accord.

On traversait l’avenue comme on finit, épuisé, une course.
La ligne droite n’en finissait pas. Les faux-plats ressemblaient à des torrents
Et nous ressemblions à l’eau qui veut regagner sa source
Sans tenir compte du moindre courant.
Chaque fois, l’exploit se répétait grâce au courage de mes parents.
Papa poussait Maman et je les encourageais d’une voix triomphale.
Un avenir petit derrière, grand devant,
On ne possédait que le principal.

Une fois arrivés Place Mozart, chez nous,
Nous rangions la mobylette et le vélo dans la cave.
Les nuits étaient douces, nous ne craignons rien du tout.
Se promener dans Wilson ne prouvait pas qu’on était brave.
Nous grimpions les quatre étages et entrions dans le modernisme.
Electricité, eau courante, WC, baignoire, chauffage central…
Il y avait de quoi faire preuve d’optimisme.
Question confort, d’autres quartiers vivaient plus mal.

Il n’y avait pas de délinquance comme aujourd’hui.
Le travail était rude, les aides peu fréquentes.
C’était fini, les années soixante, les années éloquentes.
La France crisait, comme aujourd’hui.
Nous avions peu de lumières municipales, très peu de rondes policières
Mais nous possédions le principal : un avenir grand devant, petit derrière.

Invité

Un récit rimé qui est tout autant une analyse sociologique, qu'une tranche de vie. Une ambiance qui sent encore le poste à galène et le formicat ...

séquence nostalgie.

:hello:

Invité

poésie-nouvelle ou nouvelle-poétique, récit touchant et souvenirs éveillés, quelle tendresse !

Invité

Une histoire-poème ou l'inverse, qu'importe tant il reflète cette génération qui connut les pattes d'ef !

Il me rappelle de bons souvenirs.

:vache: :coeur:

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