Que fais-je là ?
Les grilles sont hautes,
Les portes ouvertes.
Je me paie une fugue verte.
Ce matin-là, je décidais de me priver de ma drogue,
Cette perle, cette bogue.
Renaître.
Etre.
Même si les années derrière occupaient la vue,
Des plus flous aux intimes,
C’est d’un sursaut que naît la mue
Que je savais ultime.
Ma fugue avait du brio,
Une lueur d’estradiot.
Tout était idéal.
Sous le ciel, les étoiles et dans l’air la douceur,
Quand j’étais fatigué, elle comblait mon cœur
Même s’il se bâchait avec des airs de roches,
Je gardais cet air déboutonné qu’ont les hommes les mains dans les poches.
Je sifflais aussi,
M’asseyais si
Cette liberté moderne m’offrait un nouveau rêve,
C’est comme cela que je l’appréciais, assis d’abord pour en sourire et sentir sa sève
Puis je m’allongeais
Et fumais le barreau scié.
Que le dôme est beau,
La lune éclairait les filets d’arceaux,
Ces nuages d’effiloches solides comme certains cerceaux,
Je posais dessus le visage d’êtres aimés,
Je pleurais ou était-ce une approche de la rosée ?
Je me levais et reprenais mon chemin,
Devant, c’est le modèle, derrière, le corrigé,
Il prend le cœur et tire la main,
Se retourner, c’est lui demander demain,
C’est un frisson parfois adamantin
Ou la peur ou la crainte,
Un baiser ou un coup,
La sensation d’une vieille étreinte.
Je cueillais l’herbe, la croquais,
A ma bouche, elle était fraîche.
La tige que je mastiquais,
Au cul des avions de lignes, les houaiches,
De tout cela, je m’amusais.
Constellées tout le long du chemin,
Les fleurs avaient pleuré leur couleur
Mais la lune leur offrait cet argent
Et elles, d’un air tellement négligent,
En retour lui déclinaient l’heure
Dans un reflet de duralumin.
Le chemin.
Au tamis, le chemin,
Au sas, on le passe,
Que de mots, j’ai mis
Tout au dos démis,
Mais j’avançais,
Quête ?
Non,
Nécessité,
Sur le chemin dansaient,
Nettes,
Toutes mes cécités.
Puis le goudron chaud des nuits des fins d’été,
Sur lequel posent les crapauds, avait été rubané.
Je regardais et me senti désorienté.
Oh ! Les pancartes des hommes. Satané ! .
Lancé, posé tel un choc,
En ligne creusée d’un soc,
Aux flancs
Si blancs,
Tel la route et comme un corridor,
Elle avait d’une soute
Où le monde court et dort,
Je m’arrêtais,
J’étais las,
Assourdi
D’être là.
Mais que tout file et que tout est sanglant,
Que l’amour cisaille. Froid sous mon vieux raglan,
Mon corps. Et noir de nuit à en être aveuglant,
L’amour avait failli, elle laissait mon nom d’icoglan.
Tout cela est passé, je radote et les larmes en files
Qui éclatent et dégringolent des deux lignes de Ricil
Des yeux d’une femme qui a toujours été là,
Rehaussée, alors qu’il ne le fallait pas,
Tout cela me ramène à l’oraison des uns,
A la raison des autres,
A cette fugue de l’un et de l’autre.
Je m’arrêtais de nouveau.
La nuit dans un sarcasme me parla de l’aurore en un spasme
Et mon escapade finit là sur le bas-côté
Où l’on trouve la blancheur des gelées
Tard encore juste avant les soirées.
Epilogue.
Il, quelqu’un, devait le retrouver dans le milieu d’un après-midi,
Perdu, hagard, comme un homme qui a fui,
Sans jamais savoir pourquoi mais avec la nécessité de le faire.
Il restait au fond de lui le léger soupçon de lumière,
Celui d’un vieil homme qui fut
Souvent à la recherche du temps perdu.
A Jean.