Le dernier ange.1.
J’ai écumé les mers aux calques d’étoiles
Et fui les troupeaux des files éphémères,
Des extraits d’Inde chauds échappés de mes voiles,
J’ai peint tous les berceaux et les traits de lumières.
Comme il est en chaque homme que la terre sublime
Des repos, des remous, des secrets sans lisière,
Tu verras quelquefois d’un éclair la cime
Des joies un peu quelconques souvent alignées
Et tant d’inconnus qui soudain nous estiment.
Alors, tes rêves se presseront pour te soigner
Et tu voyageras délirant de confins,
Tu sauras ces chemins et sauras les croiser,
Même dispersés ou répandus par la faim
Sous le soleil timide au bout d’autres rizières.
Je te dis aujourd’hui ce qu’ils tairont demain.
Le dernier ange.2.
Alors, à toi, mon fils, avant le dernier ange,
L’unique musicien, voleur de nos archets,
Avant l’instant du jour infini qui se range
Près de ces prières qu’on voulait oublier,
Je te dirais tous les chagrins presque joués,
L’incroyable futur du rire des enfants
Et l’horrible plainte des astres mutilés
Sous le flot diffus de nos déraisons d’avant.
Ces ciels si divins qu’empochent les nuages
Et ces vagues soudaines que suit l’humanité
Avant qu’un seul sentier déguise ton visage
D’une trace hésitante aux rives déchirées.
J’ai eu des cris plus justes que des rires frelatés,
Des pistes et des silences d’inracontables peines,
D’une esquisse je ferais ces monstres. D’une craie
Volera la poussière dans la lumière des haines.
Je savais cette prairie au cœur d’un indien
Balayée des vents dignes de la belle arche.
Ils m’apportaient ravis de leurs humbles parfums,
Le souffle lointain d’un arbre qu’on arrache.
Tu verras le delta où se jette impassible
Le marchand vénérable de sève glacée.
Il tendra de son âme l’inexcusable cible
Qu’il faudra peut-être un jour sans doute porter.
Alors, je t’apprendrais la soie de nos colères,
La houle à l’assaut des marais délaissés,
La terre tout enneigée, mais ses dessous si verts
Et l’ombre du vieux chêne où nous laissons le blé.
Tu heurteras souvent ton impensable éden
Bien infusé de sang, aux ruades emmêlées
De nos licornes baies, elle puisera tes peines
Et l’ultime blessure de l’inusable fouet.
Alors, mon petit, aux bouffées de nos ailes,
A l’aurore du monde dans un jour miellé,
Je te dessinerais le plus beau des ocelles,
Un dessin d’aujourd’hui que demain reconnait.
J’ai suivi la liste des bagages cachés,
Beaux d’être si libres, tels des oiseaux de mer,
Ainsi ils m’ont permis de pouvoir épancher,
Je rêve comme un enfant et je dis comme un père.
AMF.